Par Stéphane Burnier, animateur socio-culturel.
Liens avec la théorie de l’Analyse transactionnelle
La génération « Digital native »
Génération X (nés dès 1970) "Ils ont fonctionné sans le numérique mais ont vu naître les nouvelles technologies"
Génération Y (nés dès 1985) "Ils ont grandis avec l'avancée des ordinateurs et l'omniprésence des écrans"
Génération Z (nés dès 2000) *nos fameux 3.0 "Ils sont nés avec internet et ne savent pas vivre sans - S'identifie principalement via les réseaux sociaux"
*Le terme 3.0 vient de certains auteurs qui font le lien entre l'avancée technologique et les différentes générations.
Certains sociologues parlent maintenant de la Génération "Alpha" (nés dès 2015). Dite génération "verre" ou de transparence totale: les données internet ont tout autant d'importance que les données réelles. La question de l'implication virtuelle ne se pose même plus, les parents étant eux aussi connectés en permanence, eux qui postent les premières "risettes" de leur progéniture sur Insta ou SnapChat .
Les évolutions technologiques ont une forte influence sur les différentes générations. En à peine 15 ans, les générations ont assisté pour chacune d’entre-elles, à la mutation de leur propre mode de fonctionnement et de valeurs. Les 14-20 ans sont les principaux acteurs de cette évolution. La manière d’obtenir des signes de reconnaissances dans leur environnement évolue et leurs comportements se modifient avec ces nouveaux phénomènes d’identification.
Eric Berne a décrit différentes soifs recherchées par l’individu, afin de maintenir son équilibre psychique.
La course aux « like » devient l’unique essence au moteur. Comment « nourrir » nos jeunes lorsqu’ils se socialisent principalement par les réseaux sociaux et qu’ils ont la possibilité d’expérimenter les relations via deux écrans interposés ?
Dans ma pratique du quotidien, j’observe un lien entre l’exposition fréquente des jeunes aux différentes applications numériques et à leur capacité à exprimer des sentiments réels. Ce phénomène sociologique provoque chez certains jeunes des difficultés d’adaptation aux normes, des soucis de compétences sociales ou encore des problèmes à nouer des relations.
Un ado est encore un enfant, il vit son dernier stade du développement : la lutte s’engage entre les anciens investissements familial et contre les messages « d’amours » parentaux.
Le jeune souhaite sortir de l’état de dépendance, c’est son droit, même son devoir. Il cherche à transformer sa pensée et se distancer de toute forme d’autoritarisme pour gagner en autonomie. Cette prise de risque appelle un besoin de structure qui régule l’intensité des échanges. Les variations soudaines le font glisser dans toutes les formes possibles de jeux psychologiques.
Le temps s’inscrit dans la nécessité pour un individu de tenir compte de ses besoins, E.Berne.
En tant que professionnel du social, nous cherchons des techniques pour répondre à cette génération 3.0 constamment sollicitée à se comporter en « Enfant Adapté Soumis » face aux codes sociétales exigeantes comme les écoles, les entreprises, les différentes structures ou simplement aux valeurs familiales.
Etat du Moi Enfant : ensemble de pensées, de sentiments, de comportement reproduits du vécu enfantin de la personne ; modèle fonctionnel adapté soumis : fait ce qu’on attend de lui, conforme à la loi et aux exigences.
Au delà des écrans, ma responsabilité de professionnel dans un milieu ouvert comme celui d’une Maison des jeunes est de pouvoir répondre à ces besoins primordiaux et donner la possibilité aux plus fragiles de prendre en douceur ce virage vers l’âge adulte. Faire circuler des signes de reconnaissances positifs et structurants devient le gasoil d’un quotidien, ils permettent d’embrayer, à long ou moyen terme, le moteur de l’interdépendance chez ces jeunes en recherche de stimuli. Un jeune « nourri » aura peut-être l’envie de s’exprimer, d’apprécier la relation avec l’adulte et de chercher de nouvelles stratégies pour réussir son intégration dans cette société active.
Des rencontres pour développer le vivre ensemble
Mon accompagnement des jeunes s’effectue sous le principe de la libre adhésion. Le terme « libre » doit être compris ici en terme de « bas seuil » pour l’accès aux locaux. Cela signifie qu’aucune exigence ou pré-requis n’est demandée pour fréquenter notre centre.
Le professionnel qui applique cette philosophie d’accueil offre donc les Permissions suivantes : « C’est OK d’être qui tu es », « tu es le bienvenu ici », « tu peux expérimenter », « c’est ok que tu grandisses à ton rythme ».
Permissions : transactions spécifiques qui se passent entre l’éducateur et le jeune. Le professionnel opère un changement dans la façon dont le jeune se situe dans ses relations avec autrui, Pat Crossman.
Ces Permissions bienveillantes ont le mérite de favoriser le terrain pour un développement cognitif adéquat du jeune et pour la naissance d’une relation saine avec l’adulte.
Cette disposition peut fonctionner que si elle est accompagnée d’un cadre sécurisant dans les locaux. En effet, la commodité de ces Permissions attire des jeunes en manque d’objectivité face aux codes et aux règles. Le jeune cherche surtout à pouvoir exprimer son Enfant Libre avec tous les aspects positifs et négatifs que cela comporte.
On parle d’Enfant libre lorsque l’individu exprime spontanément ses besoins ou ses envies, sans barrière, sans contrainte.
Cette énergie psychique, principalement relâchée dans l’Enfant, crée souvent de la rébellion ou de la provocation suite à des stimuli mineurs. Ces attitudes compliquent systématiquement notre posture et nos interactions avec le jeune. Pour répondre à ce flux constant, nos interventions nécessite des Protections utiles à la relation : « Les règles sont discutées ou assouplies dans ce cadre malléable », « tu es avertis des sanctions lors des récidives », « tu peux t’impliquer dans le choix de la charte et créer de nouvelles activités ».
Se donner des Protections, c’est se donner des moyens d’évoluer dans de bonnes conditions de sécurité institutionnelle et psychologique, Pat Crossman.
4L’éducateur devient ainsi le relais qui permet à l’ado de passer dans son triangle de l’autonomie pour qu’il puisse continuer à développer sa propre vision du monde et de pouvoir l’affirmer en notre présence.
Normes et plaisirs, le chemin de l’autonomie ?
Eric Berne définit l’autonomie comme capacité de conscience claire, de spontanéité et d’intimité. L’individu peut regarder une chose sans préjugé et il a la capacité de choisir librement parmi le large éventail d’options de sentiments, de pensées et de comportements. Dans ma pratique, cette définition est observable dès que l’ado commence à exprimer de nouvelles possibilités de réflexions, tout en considérant le cadre éducatif dans nos moments de partages et de projets. Il devient autonome quand il décide de par lui-même des possibilités envisageables dans chacune de ses situations en considérant le contexte dans lequel il vit lors de nos rencontres.
Pour favoriser cette capacité, nous utilisons plusieurs stratégies pour stimuler leur Adulte. Notre but est de déloger l’énergie permanente dans l’Enfant pour donner une place prépondérante à leur Adulte. Les questions ouvertes avec le collectif ou durant les entretiens individuels sont adéquates pour la démarche.
Le traitement des frontières relâchées se fait par le renforcement de l’Etat du Moi Adulte ; par la stimulation de la pensée.
Les transactions complémentaires sont utiles pour capter l’attention des jeunes. Elles servent à développer une conscience claire des faits : «Qu’observes-tu dans cette situation » « Que penses-tu des décisions choisies ». La deuxième étapes consiste à permettre au jeune d’exprimer son ressentis : « Que ressens-tu avec ce conflit ? », « Quelles sensations vis-tu ?»
L’analyse transactionnelle est une théorie de la personnalité et de l’action sociale. La transaction devient ainsi l’unité d’une action sociale.
Si il devient capable de reconnaître ses plaisirs tout en respectant le cadre donné alors il trouvera la faculté d’exprimer ses besoins, de définir ses nouvelles valeurs et trouver ses motivations à la vie. C’est généralement à ce moment que le jeune commence à disparaître de nos locaux. C’est un signe que la croissance s’opère et que nous l’avons aidé, à un moment donné, à pouvoir développer de nouvelles compétences.
Nous apprécions quand les jeunes, après 4 ans de présences en libre adhésion, passent 5 minutes nous dire bonjour pour ensuite repartir…
Bien à vous
Stéphane
Educateur social en milieu ouvert
Consultant psychoéducatif
Kommentare